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mardi, août 7 2007

Il y a des livres radieux

Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee (To Kill a mocking bird).

C'est un merveilleux bouquin, littéralement irradié d'enfance. La chronique, à hauteur de petite fille (6 ans au début du livre) d'une petite ville sudiste - deux rues poussiéreuses de Maycomb, petite ville endormie dans ses traditions et ses rituels, et la place du tribunal - en Alabama, années 30. Les trois personnages principaux - mais tous les personnages sont fermement dessinés - sont les deux enfants et leur père veuf, Atticus Finch, avocat vieillissant, homme intègre et attentif, qui accepte en cours de roman de défendre un noir accusé à tort de viol par une blanche.
Mais le roman est d'abord hanté par la présence invisible et inquiétante de Boo Radley, le voisin cloîtré depuis des années par son père puis son frère aîné, sorte de mauvais (?) génie qui obsède les ragots locaux et l'imagination et les jeux des enfants Finch et de leur ami de vacances, le petit Dill à la fantaisie débridée - personnage inspiré à l'auteur par Truman Capote, dont elle était en effet l'amie d'enfance.
Ni manichéisme ni militantisme dans ce texte, un regard profondément, et subtilement humain, avec une drôlerie sous-jacente qui confère au roman une légèreté à la fois élégante et profonde. Absolument délectable, et en livre de poche dans une traduction refondue, avec une magnifique photo de Dorothea Lange, la photographe des « années amères » de la Grande Dépression ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Dorothea_Lange ) sur la couverture.

J’ai du coup incontinent commandé et regardé (en français scrongneugneu, honnis soient mes proches anglophobes... mais ça n'est que partie remise) l’adaptation cinématographique, Du Silence et des ombres (titre français, le titre anglais est celui du roman), film de Robert Mulligan, 1962, avec Gregory Peck, oscarisé pour le rôle d’ Atticus Finch. C'est bien, mais tellement moins riche que le roman ! Beau film honorable, mais plus centré sur Atticus que sur Scout (la petite fille), et la saveur, la mystère, la confusion et l'exigence de l'enfance y perdent beaucoup. http://fr.wikipedia.org/wiki/Du_Silence_et_des_Ombres .

Au demeurant indéniablement fidèle au roman, mais inévitablement tronqué. Par exemple, la terrifiante scène finale est amputée à la fois de l'épisode burlesque qui la précède (le sommeil de Scout-jambon au moment où elle doit défiler), et de la subtilité des sensations physiques qui la constituent (bruits et toucher, par exemple l'importance des pieds nus de Scout et le récit de l'attaque perçue uniquement à travers les sons...)

Je l'ai commandé juste après ma lecture. Il manque aussi la galerie de personnages annexes, l'insupportable commère, la rayonnante Miss Maudie Atkinson, la vieille sorcière sudiste, la tante Alexandra etc... Ce qui fait que seul le lecteur peut goûter l'omniprésence de la salopette de Scout, par exemple.

Il semblerait que ce roman connaisse un renouveau de faveur à la suite des deux films sur T. Capote. Pour moi qui l'avais ignoré jusqu'ici (30 millions d'exemplaires vendus dans le monde, tout de même, et c'est le SEUL roman publié par l'auteur) c'est une découverte majeure. Un grand texte, profond, humaniste, et juste.

lundi, juin 25 2007

Fantasia chez lez ploucs de Charles Williams

Monument de la littérature burlesque.

Sous le regard naïf de Billy, le jeune narrateur, s'agitent une série de créatures toutes plus caricaturales les unes que les autres :"Pop", le père, frénétique parieur venu se mettre au vert après quelques ennuis avec la justice (qui ont laissé le pauvre Billy la proie des dames patronnesses), l'oncle Sagamore Noonan, traqué sans trêve par le shérif et ses deux adjoints qui le soupçonnent à juste raison de distiller clandestinement - et auxquels il fait subir tout au long du roman les plus réjouissantes avanies, son beau-frère, Finley, ex-prédicateur marron qui vaticine sur son arche branlante , et il y a aussi Miss Harrington, venue soigner son anémie sous la garde sévère du "Docteur" Severance, et qui vêtue de son seul diamond bikini * , un liseron tatoué sur le sein gauche, apprend à Billy à nager dans le lac voisin malgré la présence inquiétante de chasseurs de lapins aux chaussures bicolores armés de mitraillettes.

(* C'est le titre original. Les illustrations de Tardi pour l'édition Folio junior sont épatantes.

La traduction est de Marcel Duhamel, c'est une garantie, sinon d'exactitude, du moins de qualité.) Quant au film, c'est pour moi d'abord un souvenir de perplexité enfantine. Il passait au cinéma du quartier, et le titre, qui me paraissait fort suggestif, ne signifiait rien pour moi (ni "fantasia", ni "ploucs"). Quant à l'affiche, c'était un dessin à la Sempé où l'on voyait, si mes souvenirs sont exacts, Miss Harrington (Mireille Darc) cavaler à l'extrême gauche poursuivie par une farandole de petits personnages frénétiques. En fait c'est un film de Gérard Pirès, (si, le type de Taxi), et il n'est pas si mal adapté que ça, illuminé en outre par la présence de Lino Ventura dans le rôle de Sagamore, de Jean Yanne dans celui de Pop, et de Dufilho dans celui du prédicateur. Quant à Mireille Darc, quoique blonde, et privée de son liseron objet de si poétiques observations de la part de Billy, elle est assez convaincante dans le rôle. (J'ai fini par le regarder, tout récemment, mais n'ai retrouvé ni l'affiche, ni le frisson de mystère de mon enfance.)

lundi, mai 28 2007

Romanesque, décidément

Il y a un roman dont je voudrais vous parler depuis un moment, sans jamais avoir pris le temps de le faire. Problème : il n'est naturellement pas à sa place, j'ai dû le prêter - à qui, je n'en ai plus la moindre idée - je vais donc devoir me fier strictement à ma mémoire.
C'est un pavé, et si j'ai hésité à en parler, c'est, absurdement, parce que c'est aussi une sorte de gigantesque conte de fées, d'un romanesque débridé, et que j'avais presque le sentiment de devoir m'excuser auprès des lecteurs *** avertis *** de leur recommander une histoire à ce point merveilleuse. Un produit parfaitement réussi de la pratique américaine des cours d'écriture : l'extrême et minutieuse documentation se fond dans la construction globale d'une intrigue rigoureusement construite et maîtrisée. Trêve de circonlocutions. Il n'y a pas à s'excuser : ce roman est une merveille, il se dévore, et se relit, avec un égal bonheur. On en sort "reconstitué". Il a quelque chose de puissamment tonique, dans la façon dont il construit, au fil de rencontres toutes providentielles, le destin de Claude Rawlings, musicien de génie né dans les sous-sols de New York, années 40.
C'est Corps et âme, traduction stricte de l'anglais Body and soul, de Frank Conroy, écrivain américain mort en 2005.

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jeudi, mai 24 2007

Pour être écrit, c’est écrit, "La Femme du dimanche" *

Que je viens de relire, après l'avoir racheté, puisqu'il avait disparu (très laide couverture, chez Points seuil, où vont-ils chercher leurs maquettistes ? et qui ne colle en rien avec le roman).

Qui dira le plaisir de relire? J'avais totalement oublié qui était l'assassin. Mais il me restait une atmosphère, intacte, un style, inimitable, à la fois complice et "suspendu", l'allusion, le "hint'", distillés comme un des beaux-arts (*il y a un américaniste inénarrable de médiocrité dans l'histoire).
Délicieusement égaré, le lecteur suit à travers les rues de Turin et les bosquets des collines environnantes - des avenues sinistres au Balùn, le marché aux puces - une guirlande de personnages disparates réunis par leur intimité avec la ville : aristocrates ou grands bourgeois ineffablement bien élevés, évêque érudit, petits employés, virago exaspérée par la dégradation des mœurs…et le commissaire Santamaria, si correct quoique méridio, et l'exquise Anna Carla pleine de grâce.
De Fruttero et Lucentini, traduction ciselée par Philippe Jaccottet. Un régal.

mardi, mai 15 2007

Crimes exemplaires, de Max Aub, Phébus Libretto.

 

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jeudi, mai 10 2007

Il y a certainement à être fou un plaisir que seuls les fous connaissent. (Dryden, Le Moine espagnol, II, i)

C’est l’épigraphe de ce bouquin que j’ai avalé il y a peu, du crépuscule à la nuit, en riant tellement que j’ai failli réveiller la maison. Gérald Durrell, Ma Famille et autres animaux, chez Gallmeister, une maison d’édition qui a l’air spécialisée dans l’écolo militant, ce que n’est certes pas l’ouvrage en question. (1ère édition anglaise, 1956).
Gérald Durrell est le frère de Lawrence, l’auteur du Quatuor d’Alexandrie, pour ceux qui auraient lu (ce que je fis, il y a quelques années-lumière. Il me reste une impression d’exotisme et de lyrisme oriental). Il était naturaliste, et l’a, semble-t-il, été de naissance. L’ouvrage était donc à l’origine destiné à célébrer la faune et la flore de Corfou, où l’auteur séjourna avec sa famille de l’âge de 10 ans à celui de 15 ans. Mais comme il le dit lui lui-même dans le « plaidoyer pro domo » qui ouvre le livre, 

« je commis la grave erreur d’y introduire les membres de ma propre famille dès les premières pages. Une fois sur le papier, ils s’y installèrent et invitèrent divers amis à partager avec eux les chapitres suivants. C’est avec la plus grande difficulté et avec beaucoup d’astuce que j’ai réussi à leur arracher quelques pages et à les consacrer aux animaux. »

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vendredi, mai 4 2007

Jeannette Haien : La pêche au saumon, coll Arcanes, chez Joëlle Losfeld (2002, 1ère éd. 1991)

C'est un charmant petit livre, le premier (le seul?) publié par l'autrice, pianiste et concertiste d'origine irlandaise, à l'âge de 63 ans. L'action se situe en Irlande. Le père Declan, robuste prêtre de 63 ans justement, pêcheur impénitent, décide de consacrer la dernière journée de la saison de pêche, malgré tous les avertissements contraires et un mauvais temps épouvantable, à essayer de capturer un saumon. Battu et trempé par la pluie, dévoré par les moucherons, exaspéré par la mauvaise volonté et la sottise incompétente de son ghillie (le gars chargé de l'accompagner sur le parcours), il se bagarre opiniâtrement contre la nature hostile, la berge transformée en boue, la rivière torrentielle, tout en se remémorant avec acuité le récit bouleversant fait l'avant-veille par une de ses paroissiennes, Enda, qui venait de perdre son mari. C'est ce récit, et l'impression profonde qu'il a faite au prêtre, qui constitue le corps du roman, en contrepoint des mésaventures du pêcheur crucifié dans sa poursuite obstiné et grelottante d'un hypothétique saumon devenu une allégorie du désir.
C'est admirablement et sobrement écrit, plein d'humour, d'humanité, et d'amour de la nature. Une histoire belle et simple.

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vendredi, avril 27 2007

Il est bien difficile de commencer... Jørn Riel, ''Racontars arctiques''

Il est bien difficile de commencer. De choisir un livre ou un auteur, dans la masse de ceux qui me sont chers.
Alors je vous propose en ouverture une littérature charnue et savoureuse : je voudrais faire l’éloge enthousiaste d’un écrivain que j’ai lu presque par hasard, et qui m’a ravie : le danois Jørn Riel, auteur d’une série de « Racontars arctiques » dont je raffole. Il y a chez 10/18 huit volumes de petits recueils de « nouvelles » ?, « contes » ? qui mettent en scène les chasseurs de phoques, ours, renards…au nord-est du Groenland. Habitant à deux ou trois, parfois seuls, des cabanes isolées à des journées les uns des autres, ils se réunissent régulièrement pour être ensemble, boire, (beaucoup), manger, mettre en œuvre leur dernière marotte et se raconter leurs dernières histoires. 

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